2ème dimanche du Temps Ordinaire – Année B
1S 3,3b-10.19
1Co 6,13c-15a.17-20
Jn 1,35-42
17 janvier 2021

Mère de l’Espérance

Deux frères, André et Simon, il y a presque 2.000 ans. 
Le premier vient chercher le second.
Il a une grande nouvelle à annoncer.
L’un comme l’autre seront invités à venir et à voir.

Deux frères, Eugène et Joseph Barbedette, il y a 150 ans aujourd’hui, jour pour jour.
Le premier vient chercher le second.
Il a une grande nouvelle à annoncer. Et il l’invite à voir.
Mais à voir quoi au juste ? Une belle grande Dame. Elle a une robe bleue et puis des étoiles dorées dessus et puis des chaussons bleus avec des boucles d’or.

Il n’y a que les enfants âgés de moins de 12 ans qui la voient. Comme le prêtre Éli de notre 1ère lecture, l’abbé Michel Guérin ne voit rien mais il comprend ce qui se passe. Et il en tire la conclusion suivante, pleine de bon sens paysan : Si les enfants voient la Sainte Vierge, c’est qu’ils en sont plus dignes que nous. À une religieuse qui lui suggère de parler à l’Apparition, il répond : Hélas, ma sœur, je ne la vois point, que lui dirai-je ? Prions et récitons le chapelet.

Pendant un peu plus de trois heures, dans le ciel de Pontmain, un hameau perdu au Nord-Ouest de la Mayenne, aux confins de la Bretagne et de la Normandie, Marie va apparaître dans le ciel par une soirée d’hiver glaciale, le 17 janvier 1871. Elle ne prononce pas un seul mot. Ce sont les enfants qui décrivent ce qu’ils voient : une véritable superproduction céleste où la Dame grandit au fil de la prière, où les étoiles se multiplient en une symphonie inouïe, où les croix apparaissent, où, lettre après lettre, un message est inscrit dans le ciel : Mais priez mes enfants. Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher.

Décidemment, quand le Seigneur veut se manifester, il prend les grands moyens. Ou bien il appelle lui-même : regardez le petit Samuel, qui l’entend et sera serviteur du Seigneur tout au long de sa vie. Ou bien il envoie sa Mère : regardez Eugène et Joseph, eux aussi appelés de nuit, qui deviendront l’un et l’autre prêtres du Seigneur.

Mais à Pontmain, elle ne vient pas que pour les deux frères. Elle vient pour les Pontaminois, certes, mais aussi pour les quelque centaines de milliers de pèlerins qui se rendent dans ce village toujours aussi perdu, transportés par la beauté –que dis-je, la beauté, la splendeur !– des vitraux de la Basilique qui semble surgir de nulle part dans ce bocage si cher à mon cœur. Elle vient aussi pour nous qui sommes réunis dans cette église. Parce que le message de Pontmain n’a pas pris une ride. Il est d’une singulière actualité. Permettez-moi d’en souligner trois points, pas plus, hélas… ne serait-ce que parce que nous avons le couvre-feu à 18 heures.

Cette apparition est une réponse.

Elle est une réponse à l’amour d’un prêtre pour la Vierge Marie. L’abbé Guérin a choisi Pontmain qui n’était alors pas encore paroisse parce ses petites gens, comme il les appelle avec affection, lui semblaient abandonnées. Il avait pris le soin de mettre une statue de la Vierge dans le clocher de l’église pour qu’elle veille sur chacun et chaque maison avait reçu de lui une petite statue de Marie pour qu’elle y fasse sa demeure. N’a-t-on pas souvent dit qu’il avait mérité son apparition ?

Elle est une réponse au découragement des Pontaminois. Deux jours auparavant, le dimanche 15, ils ont refusé de chanter le cantique Mère de l’Espérance, à l’issue des vêpres. L’heure est grave : le Coronavirus d’alors, c’est le Prussien. Ses armées, incontrôlables, déferlent sur la France et sont à 50 kilomètres de là, à Laval. Si la ville tombe, un tsunami ennemi va s’abattre sur la Bretagne et Pontmain est sur le chemin. Ce 15 janvier, l’abbé Guérin avait reçu pour toute réponse : on a beau prier, le bon Dieu ne nous écoute pas ! La réponse de Marie ne se fait pas attendre. Le message qu’elle inscrit dans le ciel commence par Mais, une conjonction de coordination qui doit avoir un antécédent. Et cet antécédent, c’est le gouffre du découragement qui a englouti les Pontaminois et qu’ils ont exprimé deux jours auparavant. La réponse est claire. Vous êtes découragés ? Priez ! Tout semble perdu ? Priez ! Dieu ne vous écoute pas ? Priez ! Votre monde semble s’effondrer ? Priez ! Dieu vous exaucera en peu de temps.

Aussi, cette apparition est christocentrée.

Pourquoi Marie apparaît-elle ? Pour nous dire et nous donner Jésus, celui qui nous a achetés à grand prix nous dit la 2ème lecture de ce jour. À Pontmain, elle ne se contente pas de parler de lui, elle va aussi le montrer aux enfants. Après que toute l’assistance a chanté le cantique Mère de l’Espérance et que Marie a manifesté sa joie en remuant les doigts au rythme du cantique, l’abbé Guérin fait entonner le Parce Domine, un chant de pénitence dans lequel l’homme se reconnaît pécheur. Les enfants disent que la Dame tombe dans la tristesse. Une croix rouge apparaît en avant de la Sainte Vierge et elle la prend à pleines mains. Le Crucifié est également rouge. Au-dessus de sa tête, un croisillon blanc porte en lettres majuscules rouge vif : Jésus-Christ. La tristesse du visage de Marie est indicible et touche profondément les enfants.

Marie montre le Crucifié, vrai Dieu et vrai homme, en rappelant l’importance de son nom. Jésus : Dieu sauve ! Elle montre aussi l’assemblée au Crucifié. Regarde, mon Dieu et mon Fils, ton peuple qui erre dans la nuit du découragement. Et il écoute sa Mère. Nous l’avons chanté au début de notre psaume : D’un grand espoir, j’espérais le Seigneur : il s’est penché vers moi.

Enfin, cette apparition est une résurrection : elle fait renaître l’espérance !

Nous l’avons dit : l’heure est grave et tout le monde a peur. Alors que le message commence à apparaître dans le ciel, un habitant du bourg, Joseph Babin, lorsqu’il voit les gens prier leur lance, moqueur : Vous pouvez prier le bon Dieu ! Les Prussiens sont à Laval. Il lui est répondu : Ils seraient à l’entrée du village que nous n’aurions pas peur. Et il viendra se joindre à la foule pour prier à genoux dans la neige.

Voilà le premier miracle de Pontmain : la peur laisse la place à la joie. Le désespoir disparaît devant l’espérance.

Cette joie et cette espérance qui leur manquaient tant. Cette joie et cette espérance qui nous manquent tant, peut-être.

Et ils chantent ce refrain : Mère de l’Espérance, dont le nom est si doux. Protégez notre France. Priez, priez pour nous. Priez, priez pour nous.

J’aimerais bien que nous le reprenions ensemble, si vous le voulez bien : Mère de l’Espérance, dont le nom est si doux. Protégez notre France. Priez, priez pour nous. Priez, priez pour nous.

Amen.

Père Louis-Marie Ariño-Durand

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frère Louis-Marie Ariño-Durand