Feuille d’information paroissiale de Notre Dame de Grâces de Passy – Paris –
Dimanche 15 décembre 2019

LE CURÉ DE L’ESPÉRANCE

Un soir d’hiver, le 15 janvier 1871, dans un petit village perdu de la Mayenne, les visages sont fermés et abattus. La neige recouvre la campagne de son grand manteau blanc. Elle a, cette année, l’apparence d’un grand linceul. Il faut dire que les prussiens enfoncent le pays de France avec une efficacité qui a pour tous le goût de la défaite. On s’inquiète pour les jeunes du village. Ils sont trente-huit. Dans son église, qu’il a entièrement restaurée pour y faire revenir ses paroissiens, le curé fait prier pour la France. À quoi bon ?

On l’aime bien ce curé, il s’est donné du mal. Il a même fait construire un bureau de tabac, en face de l’église, pour y faire revenir les hommes. Mais là, franchement, monsieur le curé… à quoi cela sert-il de prier Marie ? Vous nous réunissez dans l’église pour l’office du soir mais le Bon Dieu ne nous entend plus. Déjà l’ennemi est à Laval. De fait, dans l’église pesante, les voix se taisent. Le curé, seul au milieu de ses paroissiens, entonne le cantique de Marie.

Pour ce curé, l’abbé Guérin, l’épreuve est terrible, il a tout donné pour sa paroisse ; sa fortune, son énergie. Il lui donnerait sa vie. Depuis trente-cinq ans qu’il est présent au milieu de ses ouailles, il vit en ce soir, la plus grande épreuve encore jamais traversée, l’épreuve du désespoir. Mais lui, les yeux fixés sur Marie, entonne le cantique d’action de grâce. Il sait qu’au milieu de sa peine, Dieu saura l’exaucer. Les paroissiens regagnent leur maison, le pas lourd, à travers la neige froide. Le Ciel va-t-il répondre ? Le Ciel peut-il seulement répondre ?

Et le Ciel a répondu. Le troisième jour. Au-dessus du bureau de tabac, en face de la grange des Barbedette, une belle dame apparaît dans une robe bleue semée d’étoiles d’or, comme la voûte de l’église que le curé avait fait repeindre. Sur la tête, elle porte un voile noir surmonté d’une couronne d’or avec un liseré rouge au milieu. Aux pieds, elle porte des chaussons bleus avec une boucle d’or. Seuls les enfants la voient. Durant toute l’apparition, les gestes de la Dame et la prière des enfants, auquel s’est joint le village, s’unissent en une grande liturgie. Marie ne dira pas un mot mais elle laissera graver dans le ciel ces lettres qui forment la réponse de Dieu aux âmes désespérées : « Mais priez, mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps, mon Fils se laisse toucher ». Les Prussiens qui devaient prendre Laval ce soir-là n’y sont pas entrés.

L’armistice sera signé le 25 janvier et Pontmain retrouvera sains et saufs, les trente-huit jeunes partis pour la guerre.

Notre paroisse accueille jusqu’au 12 janvier prochain, une exposition rappelant la figure de l’abbé Guérin, en procès de béatification. Il n’y aurait pas eu de réponse du Ciel à Pontmain si une voix ne s’était pas élevée. Et nous, durant ce temps de l’Avent, sommes-nous prêts nous aussi à élever nos voix vers le Ciel ?

P. de Quatrebarbes