Porter l’Evangile avec Marie
“Pluie du matin n’arrête pas le pèlerin,” dit le proverbe. Ils étaient plusieurs milliers à le confirmer ce vendredi 17 janvier 2014 à Pontmain pour le 143ème anniversaire de l’apparition de la Vierge Marie à quatre enfants du petit village du Nord-Ouest de la Mayenne. Malgré le temps maussade, beaucoup avaient de la joie au cœur, notamment Mgr Denis MOUTEL, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier. Il faut dire qu’il a des origines mayennaises de par son père natif de Craon. Autant dire que Pontmain n’est ni un nom, ni un lieu inconnu pour Mgr MOUTEL.
Comme chaque année, la basilique étant trop étroite pour accueillir tous les pèlerins venus prier Marie, la célébration eucharistique du matin a été retransmise et célébrée en même temps dans la chapelle des Oblats de Marie Immaculée, dans l’église paroissiale ainsi que dans la salle des sports communale. Avec ferveur, les chrétiens présents ont chanté et prié leur “mère de l’Espérance”. Dans l’après-midi, ils étaient encore très nombreux à s’être rassemblés pour la prière du chapelet, l’office des vêpres et le salut du saint sacrement.
Après une telle journée, Pontmain mérite bien d’être nommée la cité du cœur apaisé.
Homélie de Mgr Denis MOUTEL
Nous sommes venus nombreux pour prier par l’intercession de la très Sainte Vierge Marie. Nous l’appelons ici Mère de l’Espérance ! … comme à Saint-Brieuc d’ailleurs, puisque le chant composé par l’Abbé PRUD’HOMME en 1848 fut repris ici.
“Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière”. C’est bien l’espérance qui est portée par le prophète Isaïe ; elle annonce le Fils qui sera donné, le Prince de la Paix. C’est l’espérance aussi qui est signifiée par le premier signe de Jésus à Cana. Et Marie est là ! Nous l’entendons qui nous dit : “Faites tout ce que Jésus vous dira !”
A Pontmain, le 17 janvier 1871, c’est la nuit, une nuit froide… mais cette nuit sera bientôt illuminée par une grande lumière. En relisant le récit de l’apparition nous sommes sollicités pour entrer dans l’espérance.
Vous le savez, les difficultés ne manquent pas en ce temps là. Pontmain est un tout petit village, qui ne comptait pas beaucoup… à peine un bon chemin pour s’y rendre. Et puis tout le monde s’inquiétait… des jeunes gens étaient partis à la guerre et la rumeur des combats réveillait la peur et l’angoisse chez les habitants. C’est là que vient la dame, souriante et lumineuse, et elle accompagne de ses doigts le chant de l’espérance, elle vient rejoindre profondément les interrogations et les peines des villageois.
Comme allons-nous regarder aujourd’hui Noter Dame de Pontmain, comment allons-nous renouveler notre espérance ? Je vois trois chemins : les enfants, les villageois, le prêtre.
Les enfants
Les enfants… C’est très impressionnant ! C’est donc à Eugène et Joseph BARBEDETTE, puis à Françoise RICHER et Jeanne-Marie LEBOSSE que la belle Dame se fait connaître. A cet âge là, de 10 à 13 ans, on ne voit pas bien ce que les enfants peuvent apporter, comment ils pourraient avoir voix au chapitre. Ce sont pourtant ces enfants qui font
la lecture, qui font la classe aux grandes personnes et même la catéchèse en délivrant le message destiné à tous. Nous avons l’impression d’être à l’école tandis que ces lettres d’or se dessinent dans le ciel : “c’est un M, c’est un A, un I, un S”… “Mais, priez mes enfants Dieu vous exaucera en peu de temps.” et puis… “Mon Fils se laisse toucher” !
Ce sont bien des enfants que Dieu a choisis pour se faire connaître par Marie. C’est normal qu’une mère console et encourage ses enfants ! Cette figure des enfants, c’est ce qui est petit dans le monde : voilà ce que Dieu a choisi nous dit Saint Paul. Nous savons aussi que le Seigneur lui-même a placé au milieu de ses auditeurs un enfant en demandant à tous de lui ressembler. Attention il ne s’agit pas d’un “retour naïf et même malsain à l’enfance”.
Cependant, pour accueillir l’espérance, il y a de quoi nous interroger :
– L’enfant est fragile et nous rêvons sans cesse de perfection… l’espérance n’est pas du côté du zéro défaut ! Dieu vient nous toucher dans nos fragilités… En Jésus, il s’est fait petit enfant, il s’est fait proche des malades et des pécheurs.
– L’enfant se laisse enseigner et nous cherchons à tout fabriquer, sans recevoir de la sagesse et de Dieu lui-même une parole sur l’homme, sur la Vie, sur le sens de notre existence.
– L’enfant dérange et surprend et nous, nous voulons parfois tout maîtriser, au point même de ne plus le désirer l’enfant ou de le rejeter avant qu’il ne naisse.
Avec Notre-Dame de Pontmain, Mère de l’espérance, nous apprenons à ne pas tout attendre de nos mains, de nos oeuvres… nous apprenons à compter sur Dieu, à guetter les signes de sa présence et de sa bienveillance. Avec Marie, nous comprenons que le Seigneur est avec nous, qu’il ne nous abandonne pas. C’est souvent l’expression des catéchumènes ; ils sont comme des enfants dans la foi, ils découvrent avec émerveillement que Dieu est avec eux, qu’il les exaucera… en peu de temps.
Les villageois
Les gens… la foule, petite foule de Pontmain ! Bien sûr, les réactions sont diverses devant ce qui se passe. Mais les gens restent ensemble, dans la grange ou sur le seuil. Ils se réchauffent comme ils peuvent mais ils sont là. Les enfants appartiennent bien à une communauté… toutes les générations sont là pour former la famille de Dieu.
Il ne faut sans doute pas enjoliver tout cela dans les seuls sentiments de la douceur et de la bienveillance car nous savons d’expérience, dans nos familles, nos communes et nos paroisses que nous sommes malheureusement très capables de nous déchirer en bien des circonstances. Cependant nous reconnaissons que, ici à Pontmain, ce rassemblement dans la nuit a déjà la forme de la communion que Dieu veut préparer pour nous et à laquelle il veut nous associer.
Il me semble que ce point est très important dans un moment où beaucoup d’entre nous connaissent des difficultés, liées à la perte d’un emploi ou à la baisse de leurs revenus. C’est encore un plus grand malheur quand la solitude ou le repli sur soi viennent rajouter à la peine. Quand les modèles économiques ne nous garantissent plus la croissance des biens, ne faut-il pas travailler à une autre croissance, celle de la solidarité, de l’attention aux plus fragiles ? Nous avons vécu, cette année, la belle démarche de Diaconia 2013 à Lourdes avec tous les diocèses de France. Nous avons mieux compris que le service du frère n’est pas une conséquence secondaire de la foi, mais qu’il est au coeur de la foi chrétienne. Etre avec le Christ, c’est tout en même temps être avec ceux qu’il nous présente comme ses amis, en particulier les plus fragiles d’entre nous. “La vie augmente quand elle est donnée et elle s’affaiblit dans l’isolement et dans l’aisance. De fait, ceux qui tirent le plus profit de la vie sont ceux qui mettent la sécurité de côté et se passionnent pour la mission de communiquer la vie aux autres” (Exhortation Evangelii Gaudium, N° 10).
L’Eglise accueille aujourd’hui comme hier cette mission de rassembler les gens, de les réunir au nom du Seigneur, dans la diversité de leurs appartenances, de leurs âges et de leurs idées pour que Dieu tisse entre nous, par sa Parole et par les Sacrements, les liens de l’amour et du don de soi.
Le prêtre…
Parler du prêtre, de l’Abbé Michel GUERIN, ce n’est pas oublier les autres fidèles du Christ. Mais il me semble, qu’ici à Pontmain, Dieu a particulièrement manifesté sa bonté à travers ce prêtre, il a préparé les coeurs, par les gestes de son ministère et par sa vie donnée. Tandis que d’autres avaient refusé, il est venu rejoindre sa nouvelle paroisse le 24 novembre 1836 et il a dit aux gens : “Dieu veut que je sois à vous partage”. Et il a mis en oeuvre cette proximité et cet encouragement permanent de la paroisse, en rénovant l’église, en introduisant la prière du chapelet.
L’Abbé Michel GUERIN est venu d’ailleurs. Il a été lui-même messager d’espérance, précurseur avant l’apparition. Je vous demande de prier pour les futurs prêtres, ceux que nous connaissons et ceux que Dieu connait.
Cette place de l’Abbé Michel GUERIN nous redit l’importance de la prière. Quand nous manquons de force, quand nous ne savons plus par où prendre ou reprendre les choses, quand nous doutons même, nous pouvons toujours venir auprès du Seigneur et lui dire simplement : “Unifie mon coeur… viens nous conduire… fais nous demeurer dans l’amour…
Sur le conseil de la Vierge Marie, nous venons puiser à la source, nous venons recevoir une joie renouvelée…” C’est ce que signifie le vin de Cana. Mais ce vin nouveau, c’est la vie donnée de Jésus, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle et Notre-Dame de Pontmain nous montre la croix de Jésus. Elle s’est tenue elle-même en ce lieu de l’amour extrême, tout contre la croix, recevant en ses bras le corps livré de son Fils.
Venons toucher Jésus, en son corps livré, en sa vie donnée… venons nous unir à lui comme ces frères et soeurs qu’il présente à son Père, pour qu’ils soient ses enfants bien aimés.
“Mère de l’Espérance, dont le nom est si doux,
Mère de toute grâce,
Fais resplendir la face de ton Fils bien-aimé”.
+ Mgr Denis MOUTEL
Evêque de Saint-Brieuc et Tréguier