« L’esprit de la religion est un esprit de charité, qui tend à unir tous les hommes. »
Ces mots de l’abbé Michel Guérin, curé de Pontmain au XIXᵉ siècle, résonnent avec une étonnante actualité.
Le Père David Journault y voit une intuition profondément moderne : la foi chrétienne n’est pas un repli, mais un élan vers l’universel.
L’Eucharistie, prière pour toute l’humanité
« C’est toujours un défi de se dire : qu’avait-il en tête quand il a écrit cela ? », s’interroge le Père Journault.
« Avec mon regard d’aujourd’hui, je trouve cela extraordinairement moderne. Cet appel à l’unité, à une ouverture à l’universel, on ne s’y attendrait pas forcément de la part d’un curé de village du XIXᵉ siècle… et pourtant, il est bien là. »
Pour le prêtre, ce message rappelle que la foi chrétienne n’est pas une affaire privée :
« Nous ne sommes pas chrétiens juste pour nous, pour assurer notre salut personnel. Bien sûr, il y a une relation intime entre Dieu et chacun de nous, mais elle s’inscrit dans une communion bien plus large. »
C’est à travers la célébration de l’Eucharistie que le Père Journault perçoit le mieux cette dimension universelle :
« Quand on célèbre la messe, on ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, ni même pour les seuls chrétiens : on célèbre pour l’ensemble de l’humanité. »
Fort de son expérience de mission dans un pays où les chrétiens étaient très minoritaires, il se souvient de ce sentiment d’universalité :
« Je célébrais la messe pour les catholiques présents, mais aussi pour tous ceux qui m’entouraient — les bouddhistes, les non-croyants. C’était mystérieux, mais profondément vrai. »
La sainteté, chemin d’unité
Cet esprit d’universalité ne signifie pas nier les différences religieuses, mais les aborder avec respect et espérance.
« Si j’avance crucifix en main en proclamant à tous ceux qui ne sont pas chrétiens qu’ils sont dans l’erreur, je ne risque pas de les amener à Jésus. »
Pour le Père Journault, c’est la sainteté de vie qui attire à Dieu bien plus que les discours :
« Avant de connaître Jésus, les personnes voient vivre les chrétiens. C’est redoutable, mais c’est aussi un aiguillon : comment est-ce que j’incarne, dans ma vie, l’appel à la sainteté ? »
Le Père Journault évoque avec émotion un souvenir des Journées Mondiales de la Jeunesse au Canada, où saint Jean-Paul II avait lancé aux jeunes cet appel radical :
« Soyez des saints, pas moins que cela. »
Cette invitation, il la relie à la parole de l’abbé Guérin : la charité qui unit passe par la conversion du cœur.
Chaque péché, souligne-t-il, est une blessure à la communion universelle :
« Chaque fois qu’un chrétien pêche, il met un obstacle sur le chemin qui pourrait conduire d’autres à Dieu. »
Ainsi, le combat spirituel n’est jamais purement individuel. Il engage l’Église tout entière.
« On ne combat pas seulement pour soi, on combat pour beaucoup plus que soi », rappelle le prêtre.
Le combat de la charité
Dans le silence, le Père Journault invite chacun à se poser une question simple mais exigeante :
« Ce que je fais aujourd’hui, est-ce que cela me fait grandir dans ma communion avec Dieu ? Est-ce que cela fait grandir les autres autour de moi ? »
C’est dans ce discernement quotidien, dans ce combat intérieur pour la charité, que s’incarne véritablement l’esprit de la religion dont parlait l’abbé Guérin :
un esprit d’unité, d’ouverture et de miséricorde, où tout être humain est vu comme un frère à aimer.
Ainsi, l’esprit de la foi n’enferme pas, il ouvre.
Il ne divise pas, il relie.
Et dans un monde souvent fragmenté, la charité demeure le plus sûr chemin vers l’unité voulue par Dieu.