affiche-beatification400Les bienheureux et les saints témoignent de l’extraordinaire variété de la façon d’aimer, d’espérer et de croire. Ils nous relient au ciel en nous communiquant  leur vigoureuse humanité, comme un bien contagieux qui nous soutient dans notre pèlerinage terrestre.

Aussi, proposer au peuple chrétien en exemple un de ses membres et autoriser un culte en son honneur est un acte très solennel et d’une grande portée. Il doit être décidé par celui dont la charge est d’authentifier la foi et au terme d’une procédure rigoureuse.

Dès les premiers siècles, devant la ferveur et l’émotion des fidèles, prompts à désigner et à honorer d’emblée leur saint, ce sont les évêques qui se sont progressivement réservés le droit de déclarer qui pouvait être reconnu comme tel. Au XIIème siècle, les papes ont repris cette prérogative à leur niveau, et ont, depuis, régulièrement adapté les règles de béatification (pour un « bienheureux ») et de canonisation (pour un « saint »), associant ces derniers temps davantage les diocèses à une enquête qui trouve son plein aboutissement à Rome.

De Laval à Rome

concregatio-de-causis-sanctorum300            L’examen des causes se faisant à la curie romaine, à la Congrégation pour la cause des saints, c’est d’abord à l’évêque, dans son diocèse, de mener l’enquête par un travail approfondi.

Le dernier document officiel de la Congrégation pour la cause des saints, intitulé Sanctorum Mater, publiée par Benoit XVI en 2007, précise cette première étape diocésaine essentielle pour la suite. Que nous dit-il ?

Il rappelle que deux ordres de faits doivent être démontrés pour aboutir à une canonisation :

  • – le rayonnement spirituel du serviteur de Dieu après sa mort (sa réputation de sainteté, également les miracles et les grâces qui pourraient être attribués à son intercession)
  • – le martyre ou bien « l’ héroïcité » (la pratique hors du commun) de ses vertus chrétiennes

Il s’agit donc d’apporter, sur la personne pressentie, désormais appelée « Serviteur ou servante de Dieu », un éclairage argumenté portant sur ces deux domaines.

            L’évêque du diocèse, après avoir demandé l’agrément à ses pairs et à Rome, institue une commission d’enquête, composée de plusieurs membres. Le « postulateur », qui suit le déroulement de l’enquête au nom de l’ « acteur » (l’évêque), recueille la documentation, conduit les recherches utiles et remet le résultat des travaux. Le « promoteur de justice », qui veille au respect des dispositions légales. Le « notaire », qui rédige les actes et compte rendus de sessions, recueille et transcrit les déclarations des témoins, veille à la circulation de l’information et suit les questions logistiques. Les « censeurs théologiens », qui examinent les écrits publiés et décrivent dans leur rapport la personnalité et la spiritualité du Serviteur de Dieu. Enfin les « experts en matière historique et archivistique », qui recherchent écrits non publiés, documents divers, manuscrits, imprimés dans toutes les sources nécessaires, et rédigent un rapport.

            L’investigation est la plus sérieuse possible et se replace constamment dans les deux ordres de faits à démontrer, en évitant toute partialité ou artifice. Au terme de cette enquête, qui peut prendre une, deux, ou plusieurs années, l’évêque reçoit les rapports, examine l’ensemble des documentations et témoignages, analyse le résultat de l’instruction et adresse ses conclusions à Rome, à la Congrégation pour la cause des saints.

            La Congrégation pour la cause des saints est présidée par un préfet (cardinal) assisté d’un secrétaire (évêque). Les appréciations des rapporteurs et des consulteurs, historiens et théologiens de la Congrégation, qui ont étudié le rapport diocésain, et celles des médecins, qui sont sollicités pour l’examen des miracles, constituent le fond des débats. Après délibération, la Congrégation se prononce par un vote. Le vote étant positif, le décret est signé, désignant le Serviteur de Dieu comme Bienheureux.

            Le culte du Bienheureux, après qu’il ait été proclamé, est limité à un lieu ou à une famille religieuse. Si l’évêque estime que le culte mérite d’être proposé à l’Eglise universelle, il demande la canonisation du Bienheureux. Dans ce cas, la procédure est déjà acquise par le dossier de béatification, mais il est demandé un nouveau miracle obtenu par l’intercession du Bienheureux pour le qualifier de « Saint ».

            Après que la décision ait été actée par le Pape lui-même, la béatification ou la canonisation est célébrée au cours d’une belle solennité. Le pape préside la canonisation, à Rome ou à l’occasion des voyages pontificaux (la première de ce type a eu lieu à Séoul en 1984). Les béatifications sont célébrées dans la région du nouveau Bienheureux. Chaque année, il est fait mémoire du Bienheureux ou du Saint, à la date fixée par décret et dans le Martyrologe Romain (liste des Bienheureux et Saints reconnus par l’Eglise catholique) , normalement le jour de la mort terrestre de celui que l’on peut dorénavant honorer par un culte.

L’examen de l’héroïcité des vertus et la réputation de sainteté et de signes

            Entendant prouver l’héroïcité des vertus, ce qui est le cas pour la cause de l’abbé Michel Guérin, l’enquête doit être instruite à travers les documents et témoignages sur sa vie, sur la manière extraordinaire dont il a pratiqué les vertus, et sur sa réputation de sainteté et de signes[1].

Attardons-nous sur l’examen de l’héroïcité des vertus, comme étant la manière dont le Serviteur de Dieu s’est uni au Christ dans sa vie, au quotidien, avec le prochain et spécialement avec ceux qui lui ont été confiés.

Avec toute l’humilité, la probité et la culture nécessaires, il s’agit de saisir le contexte historique, spirituel, matériel, social du Serviteur de Dieu, et rechercher en quoi la pratique de ces vertus est à ce point hors du commun, en s’appuyant sur des faits précis.

Quelques exemples montrent, sans que cela soit exhaustif, la nature de cette quête sur les vertus théologales (foi, espérance, charité), cardinales (prudence, justice, force, tempérance), et autres (pauvreté, obéissance, chasteté, humilité).

Foi : Comment le Serviteur de Dieu a-t-il manifesté la foi dans les différents évènements de la vie (désir de perfection, zèle pour ses paroissiens, docilité envers l’Eglise, etc…) ? Quels moyens a-t-il pris pour maintenir et alimenter sa foi ? Ces pratiques se sont-elles avérées héroïques ? Espérance :  A quel degré le Serviteur de Dieu a-t-il montré de la confiance dans la miséricorde au quotidien, dans les évènements extraordinaires ? Est-il resté serein dans les contrariétés, les épreuves, dans le détachement des biens terrestres ? En quelles circonstances a-t-il manifesté de manière évidente cette vertu ? Y a-t-il eu quelque chose de contraire ? Amour pour Dieu : Comment a-t-il eu le désir d’accomplir la volonté de Dieu, tant dans les circonstances ordinaires que dans les moments difficiles ? A t’il eu volonté de réparation de ses péchés et de ceux des autres ? Comment s’est manifesté son esprit d’offrande et de prière ? Amour du prochain : En quoi et à quel degré cet amour se concrétise t’il ?  Pourquoi a-t-il voulu servir la plus petite paroisse ? Comment était-il avec ses paroissiens ? avec les autorités ? ses proches ? ses opposants ? ses visiteurs ? Avait-il des préférences ? etc…

Prudence : dans ses conseils ? ses relations ? avec ses paroissiens, les autorités, les bienfaiteurs, les visiteurs ? dans les circonstances difficiles ? ses initiatives ? ses opposants ? ses amis ? face aux critiques ? Justice envers Dieu: A-t’il été fidèle à ses obligations de manière extraordinaire ? A-t-il dénié volontairement quelque chose ? Justice envers les hommes : Comment a-t-il pratiqué la justice sociale ? Etait-il homme de parole ? Reconnaissant envers les bienfaiteurs ? Force : Comment a-t-il supporté des choses difficiles ? prêt et joyeux dans les peines ? Sa force d’âme dans les derniers moments ? Tempérance : A-t-il contrôlé ses passions  et penchants ? pénitences ? caractère ? modestie ? bienveillance, docilité ? etc…

Pauvreté : attention aux biens matériels ? vie quotidienne ? détachement ? Obéissance : soumission aux autorités ? directeur spirituel ? Chasteté : pudeur et pureté ? Humilité : A quel degré a-t-il pratiqué ces vertus ? confessions, honneurs, disponibilité, etc…

Pour poursuivre l’enquête au-delà de la pratique des vertus chrétiennes, il s’agit de connaître l’opinion sur la vie du Serviteur de Dieu et discerner les grâces et les faveurs qui peuvent lui être attribuées. C’est un exercice sensible, car l’opinion doit être spontanée et non pas procurée artificiellement. Comme le souligne l’instruction Sanctorum Mater, la réputation de sainteté et de signes doit être stable, avoir un caractère de continuité, être répandue parmi les personnes dignes de foi et en nombre suffisant.

Là aussi quelques exemples nous invitent à rentrer dans le processus de l’instruction. Sur quoi repose la renommée de sainteté durant sa vie ? Les opinions ont-ils été controversés ? Qu’en pensaient ses confrères, son évêque ? Quelle renommée au moment de sa mort ? Comment le peuple a réagi ? Quelle est la renommée après sa mort ? De nos jours ? Y a-t-il dévotion privée ? Quelles grâces et faits surnaturels peuvent être attribués à l’intercession du Serviteur de Dieu ? Comment discerner ce qui relève des faveurs obtenues par la Vierge apparue le 17 janvier et le curé de Pontmain ?

La réponse à ces questions se trouvent dans les témoignages d’hier, traces écrites et orales, dans les documents déjà connus du curé de Pontmain (notamment son journal et sa correspondance), qui ont déjà fait l’objet de publications[2], mais également dans les écrits, correspondances et documents de l’époque, qui pourraient être inédits, et qu’il convient de mettre à jour.

La réponse se trouve également dans les témoignages d’aujourd’hui, où la ferveur et la dévotion des fidèles appelés à demander l’intercession du Serviteur de Dieu trouvent toute leur place. L’acteur de la cause et la commission d’enquête y sont attentifs.

L’ouverture de l’enquête de la béatification de l’abbé Michel Guérin

            Le samedi 1er juin dernier, au cours des Vêpres dans la basilique de Pontmain, a eu lieu la session d’ouverture de la partie diocésaine de l’enquête concernant l’abbé Michel Guérin. Ce fut un instant solennel et un acte nécessaire, prévu par l’instruction Sanctorum Mater. Le Père Dullier, recteur du sanctuaire, a lancé la requête officiellement auprès de Mgr Scherrer, évêque de Laval, assisté de Mgr Le Saux, évêque du Mans. L’évêque de Laval, acteur de la cause, a répondu en déclarant publiquement la cause ouverte et a demandé à chacun des membres de la commission de prêter serment : Anne Bernet, postulateur, le Père Claude Poussier, promoteur de justice, messieurs Gaston Cherel et Olivier Landron, historiens, madame Hélène Lindner-Bonnin, archiviste, monsieur Christophe de Quatrebarbes, notaire pour la cause. La cérémonie s’est achevée par la récitation de la prière pour obtenir l’intercession de Michel Guérin dans l’église même de son rayonnant ministère. Elle a été suivie d’une conférence de presse avec des journalistes.

engagement-devant-eveque450L’enquête est donc engagée, et à partir de ce jour, la cause est publique. Dans la phase initiale, il importe de faire connaître le Serviteur de Dieu de façon plus approfondie, et selon l’expression convenue, de « communiquer ». Ainsi, vingt mille images en langue française et deux mille images en langue anglaise relatives à la cause ont été déjà diffusées, notamment dans les paroisses, communautés et mouvements en Mayenne, auprès des jeunes pèlerins de Rio, mais également dans les diocèses limitrophes, auprès de tous les évêques de France, et dans la trentaine des principaux sanctuaires mariaux de France. Une affiche a été éditée pour accompagner ces envois dans les paroisses. Simultanément, des articles ont été rédigés dans les principaux organes de presse et sites internet. Une plaquette a été imprimée en dix mille exemplaires pour les rassemblements de l’été (JMJ de St Malo) et de la rentrée (Rennes), ainsi que pour les paroisses du département. Les travaux préliminaires d’un site internet tout public consacré à la béatification de l’abbé Guérin viennent d’être lancés. Ce site devrait voir le jour avant la fin de l’année.

            Au long de l’enquête ainsi initiée, le recours à l’abbé Michel Guérin est sollicité. Mgr Scherrer a autorisé la prière pour obtenir son intercession. Cette prière est dorénavant celle de tous ceux qui portent cette intention dans leur cœur, heureux de sentir proche ce témoin de la foi, qui, déjà, invite à vivre dans l’Espérance :

« Seigneur mon Dieu, tu as choisi le prêtre Michel Guérin, pasteur au cœur brûlant, pour rassembler le petit peuple de Pontmain et en faire une communauté fervente de foi, d’espérance et d’amour.

Lié à ses paroissiens à la vie et à la mort, c’est dans un attachement filial et inconditionnel à la Vierge Marie qu’il puisa l’ardeur de sa mission pastorale.

Afin que grandisse dans notre Eglise la ferveur de la prière, la confiance en Dieu qui exauce en peu de temps et la dévotion envers la Vierge Marie, Mère de l’Espérance, apparue à Pontmain, puisse la sainteté de l’abbé Michel Guérin être bientôt reconnue.

Et, par l’intercession de ton rayonnant serviteur, accorde-nous, Père très bon, la grâce que nous te demandons maintenant avec confiance.

Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen »

 La commission lance un appel : elle dispose déjà de sources documentaires susceptibles de plaider sa cause, mais elle recherche simultanément les documents éventuellement détenues par les familles, les paroisses, les communautés et les services, qui évoquent l’abbé Michel Guérin ou le contexte dans lequel il a servi. Elle lance également un appel à tout ce qui peut conduire au mieux cette cause : elle lance un appel à intercession et lance un appel à témoignage.

Au-delà des rigueurs et difficultés d’une enquête de cette nature, nous aimons contempler la figure de celui qui est désormais appelé Serviteur de Dieu, figure unie au Christ, à la spiritualité simple et profonde, fraternelle, vigoureuse et rayonnante, qui nous guide, sous le regard bienveillant de Marie. Nous ne pouvons oublier qu’il fut un apôtre et témoin pour son temps, et sommes surpris qu’il se fasse si bien comprendre aujourd’hui.

*

Christophe de QUATREBARBES, membre de la commission de béatification

 

[1] La réputation de sainteté est l’opinion répandue parmi les fidèles relativement à la pureté et à l’intégralité de la vie du Serviteur de Dieu et au degré héroïque (article 5 – Sanctorum Mater). La  réputation des signes est l’opinion répandue selon laquelle Dieu concède des grâces et des faveurs par l’intercession du Serviteur de Dieu (article 6 – Sanctorum Mater)

[2] Nous devons au sanctuaire de Pontmain d’intéressantes publications sur l’abbé Michel Guérin, notamment en supplément du bulletin « Notre Dame de la prière » (2008)

 

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